La Fascination du pire
Florian ZELLER

Prix Interallie 2004

Mon avis

Si j’ai mis ce livre ici, ce n’est pas parce que je l’ai trouvé particulièrement bien mais parce qu’il y a des extraits intéressants qui donnent matière à réflexion.

Franchement, s’il avait fallut donner un prix à l’un de ses livres, ça aurait du être “Les amants du n’importe quoi

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Extraits

...il m'expliqua qu'il ne croyait plus à la notion de "couple". C’était pour lui une structure de domination de l'autre et de mensonges qui n'avait plus lieu d'être. Il préférait la notion "d'être préféré" qui laissait davantage de liberté et qui était plus honnête.


Tous ces pays sont devenus une prison pour les femmes et entretiennent une haine du sexe. […] Mais ça n’a pas toujours été comme ça. Pensez aux "mille et une nuits". […] j’ai relu le conte, j’avais oublie à quel point c’était chaud… […] Il y a des scènes érotiques qui restent indépassables. Et bien, il n'y a pas très longtemps, le texte a été interdit par le pouvoir égyptien dans le seul but de se ménager les bonnes grâces des islamistes. Vous vous rendez compte ? […] C'est surtout inquiétant ! Mais la vraie question, selon moi, c'est de savoir comment on est passé d'une culture qui prônait l'ardeur sexuelle à une négation aussi évidente du sexe.


Je me suis dit que ceux qui prétendent que le Coran n'invite qu'à l'amour et que seule une certaine interprétation du texte pousse parfois au mépris des femmes et à la violence, ceux-là, me suis-je dit, n'ont tout simplement jamais lu le Coran ou ont peur de dire des choses incorrectes. […] Admonestez celles dont vous craignez l'infidélité ; reléguez-les dans des chambres à part et frappez-les – Coran, sourate 4, verset 34.


C'est le téléphone, et notamment le portable, qui a définitivement assassiné la pratique de la correspondance. Je pense souvent à ces femmes qui vivaient dans l'espérance, sur le gage d'une seule lettre d'amour, quand l'autre, par exemple, partait à la guerre. Les mots avaient alors une force redoutable puisqu'ils décidaient des vies. On attendait, et on faisait confiance même sans nouvelles de l'autre pendant des périodes infinies. Aujourd'hui on commence à panique des qu'on ne parvient pas à le joindre sur son portable. Que fait-il ? Pourquoi ne répond-t-elle pas ? Avec qui est-il ? L'angoisse a gagné du terrain. Nous sommes rentré dans une période sans retour qui signe la fin de l'attente, c'est-à-dire de la confiance et du silence.


[…] Car elle était de celles, je crois, auxquelles il faut d'abord déplaire avant de pouvoir plaire. Mais je n'ignorais pas que l'agacement qu'elle suscitait en moi était avant tout une façon de ne pas m'avouer que je la trouvais séduisante.


Ce n'était pas ma vie qui me semblait avoir une quelconque valeur mais la vie en général, le fait d'être vivant, ce qui est suffisant pour avoir peur de la mort.


En sortant du bain, j'ai passé un coup de fil à jeanne. Je ressentais la nécessite de lui dire que je l'aimais. Je suis tombé sur son répondeur. Je lui ai laissé un message. On entend souvent répéter qu'il ne faut pas dire ce genre de choses, et que les sentiments, lorsqu'ils sont exprimés simplement, sans détour, contiennent une sorte de pesanteur ridicule, de mauvais goût, voire de vulgarité impardonnable et finalement contre-productive. Et cette prescription ne concernerait pas uniquement le sentiment amoureux, mais toute forme d'élan vers l'autre. A la limite, la seule façon d'exprimer quelque chose serait d'installer parallèlement un doute volontaire sur la sincérité de ce qui est dit. J'avais par exemple remarqué qu'il était plutôt rare que les gens abandonnent cette attitude faussement détachée et ironique qui les protége si bien du monde. Tout ce qui est exprimé, aujourd'hui, ne peut l'être que par le filtre déformant de la petite distance et de l'humour – non pas l'humour en réalité, mais la blague, la dérision, le stock de vannes sans chair. Tout est devenu prétexte à rire, mais à rire bêtement et grassement. Les uns loin des autres, c'est-à-dire, finalement, les uns aux dépens des autres. Un être pensant et ressentant par lui-même ne pourra jamais participer à l'euphorie sans joie du monde. C'est ce qui signe la fin de la conversation entre les êtres et donc, d'une certaine façon, le règne de la solitude.


J'ai encore repensé à notre virée de la veille. Au fond, ce qui m'avait surtout marqué, c'est moins l'absence de sexe que l'obstination avec laquelle jusqu'au bout de la nuit nous l'avions cherché. Je me suis souvenu de ce que m'avait dit martin en sortant du dernier bar, au petit matin : il avait parlé de "frustration", sous-entendant ainsi, […] que c'était l'islam qui, par sa morale redoutable et sa haine du sexe, s'acharnait à entretenir perversement ce sentiment. Pourtant, en y repensant, c'était surtout son attitude à lui qui m'avait marqué, sa quête effrénée, sa frénésie, et finalement son désespoir, et je me suis dit que la frustration dont il avait parlé était avant tout la sienne, c'est-à-dire indépendante des circonstances de notre soirée, et qu'il devait la trimballer en permanence avec lui. C'est, je crois, l'un des pénibles paradoxes de l'occident : l'exacerbation de la frustration malgré la soi-disant liberté sexuelle. Après des siècles de frigidité, d'ailleurs assez relative, l'Occident s'était peu à peu libère de sa morale religieuse et de sa pudibonderie sociale. On considère généralement que c'est une chose heureuse. D'un certain point de vue, pourtant, la multiplication des rencontres sexuelles qui en a découle à été une véritable 'catastrophe humaine', dont le signe le plus évident est la dissolution des dernières barricades protégeant l'individu du marché, à savoir le couple, et dans une moindre mesure, la famille. Mais le plus étonnant est que cette libération progressive ne lui a pas permis, comme on aurait pu le croire, de sortir de la frustration, le plaçant au contraire devant le spectacle de sa propre impuissance à répondre à l'accroissement de ses désirs. […] - Ton problème,, tu vois, c'est que tu n'as aucune nuance… - Quelles nuances ? - Par exemple, ça ne te passe même pas par la tête de distinguer l'Islam modéré et l'Islam extrême… Oui, c'est effectivement la subtile distinction que tout le monde n'arrête pas de faire partout. Tu ne peux pas lire une page dans un journal sans qu'elle soit rappelée : elle est juste mais ne permet pas de régler le problème. Les nuances, bien souvent, sont une façon de ne pas penser. Et je trouve qu'on devrait s'en méfier un peu plus. En France l'art de la nuance a complètement étouffé toute possibilité de réflexion. Il est devenu pratiquement impossible, par exemple, de prononcer certains mots sans être immédiatement suspecté d'avoir voulu en prononcer d'autres. […] On est obligé de se taire. Il y a un silence obligatoire sur tous les sujets… On nous a d'abord répété en boucle pendant des mois qu'il ne fallait surtout pas faire d'amalgames entre musulmans et islamistes, ce qui est la moindre des choses, je te l'accorde. Mais cette volonté de ne pas confondre les problèmes a finalement créé une confusion générale tout aussi inquiétante. Toute personne réfléchissante sur l'Islam, est immédiatement suspectée de vouloir dire d'autres choses. Par exemple, toute personne mettant le doigt sur l'agressivité et l'instinct de domination indéniablement propre à cette religion est immédiatement accusé d'avoir en réalité voulu critiquer les Arabes. […] Quand je dis que, pour moi, il y a une incompatibilité entre l'islam et le système occidental, je n'ai pas besoin de me réfugier derrière une distinction entre les modérés et les fanatiques, puisque je parle de la religion. Il y a une ferveur égalitaire et un culte de la tolérance qui voudraient nous faire croire que toutes les valeurs se valent. Mais rien n'est plus faux. Et pour moi, celles de l'islam sont parfois dangereuses et régressives. En France, une grande quantité de musulmans est comme toi : ils se disent musulmans, mais ne poseront jamais de problèmes d'incompatibilité puisqu'ils se sont beaucoup éloignés de leur religion. Mais je parle de l'islam qui ne fait pas de compromis avec le monde réel. Rien qu'un seul exemple : un type qui doit faire ses cinq prières par jour ne peut pas s'intégrer dans le système occidental, c'est absolument impossible.


Les pays musulmans, pour la plupart, sont dans une négation absolue du sexe. [...] vous savez ce qu'on promet aux martyrs ? - Au paradis, un martyr est un héros, mais surtout […] il a le droit à 72 vierges pour lui. C'est important, je pense, pour comprendre un peu mieux le terrorisme. Tous ces jeunes types sont incroyablement frustrés: c'est normal qu'ils ne restent pas indifférents à de telles propositions… - Tu veux dire que pour toi, la motivation des kamikazes est sexuelle ? - Si j'étais palestinien, que je n'avais rien, aucune richesse, aucun avenir véritable, que j'avais perdu dans la guerre plusieurs membres de ma famille, et surtout, qu'il était impossible de coucher avec des filles, c'est à dire, si j'étais dans un système de frustration maximale, franchement, on me proposerait d'aller me faire sauter sur l'ennemi, et, dans l'instant, me retrouver avec autant de femmes pour moi, oui, franchement, je crois que je n'hésiterai pas une seule seconde… j'irais me faire sauter sur l'ambassade française. [...] - C'est simple, c'est même très simple. […] Et c'est précisément pour ne pas se confronter à cette vérité que tout le monde s'acharne à faire croire que le problème est très compliqué ! Mais organise une bonne libération sexuelle dans ces pays et ce sera la fin du terrorisme. […] - En France, pourtant, avant la libération sexuelle, les gens étaient aussi très frustrés, ils ne sont pas allés pour autant se faire sauter sur des bombes. - Oui, mais l'état de frustration occidental n'a jamais égalé celui du monde musulman. Il y a 50 ans, on pouvait facilement avoir une maîtresse… et la prostitution était courante. A la limite, le seul moment de frustration comparable a été l'époque des grandes croisades. La chasteté absolue. On voit ce que ça a donné : c'était tout simplement insupportable pour eux de savoir qu'on forniquait dans les autres pays. Ils sont donc religieusement parti en guerre, violant au passage un nombre incalculable de jeunes musulmanes, comme la pseudo-guerre sainte algérienne a fait des milliers de viols en dix ans. Voilà ce que je dis : le Djihad, comme toute guerre sainte, a une motivation principale : LE CUL !