Le théâtre de l'amante anglaise
Marguerite DURAS

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On croirait presque du David Lynch...

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Extraits


PIERRE : Peut-être que je n'ai jamais rencontré de femme que j'aime assez pour la quitter, elle. J'ai cru le contraire une ou deux fois mais maintenant je sais que je n'ai jamais aimé aucune femme comme je l'ai aimée, elle.

L'INTERROGATEUR : Elle ne le sait pas ?

PIERRE : Non.

L'INTERROGATEUR : Vous connaissiez l'existence de cet autre homme avant de vous marier avec elle?

PIERRE : Oui. On ne peut pas empêcher une femme de trente ans d'avoir un passé. Et puis je voulais l'avoir à moi. J'aurais passé sur n'importe quoi pour l'avoir.

L'INTERROGATEUR : Vous auriez pu éviter de vous marier avec elle.

PIERRE : Je n'y ai pas pensé. Il y a maintenant vingt-quatre ans, comme dans une autre vie.

L'INTERROGATEUR : Vous regrettez de l'avoir épousée quand vous pensez à votre existence?

PIERRE : Je regrette tout ce que j'ai fait.

L'INTERROGATEUR : Mais elle plus que le reste?

PIERRE : J'ai eu avec elle des moments de bonheur personnel que personne ne pourrait regretter.

CLAIRE : Alors écoutez-moi. Il y a eu deux choses : la première c'est que j'ai rêvé que je la tuais. La deuxième c'est que lorsque je l'ai tuée, je ne rêvais pas.

CLAIRE : Je sais que plus les criminels sont clairs dans ce qu'ils disent, plus on les tue.

CLAIRE : Moi, telle que vous me voyez là, j'ai eu vingt-cinq ans et j'ai été aimée par cet homme superbe. Je croyais en Dieu à ce moment-là et je communiais tous les jours. Lui vivait maritalement avec une femme et d'abord je n'ai pas voulu de lui à cause de ça. Nous nous sommes aimés à la folie. C'est lui qui m'a détachée de Dieu. Je ne voyais que par lui après Dieu. Je 'écoutais que lui. Il était tout pour moi et un jour il n'y a plus eu de Dieu mais lui seul. Lui seul. Et puis un jour il a menti. Le ciel s'est écroulé.