Les amants du n’importe quoi
Florian ZELLER
Mon avis
Il y a les hommes qui ont des scupules, d’autres non.
Quel homme, muni d’un tant soi peu de conscience, n’a-t-il pas ressenti cela à un moment de sa vie ?
Quelle femme n’a-t-elle pas appréhendée ou vécue cela à un moment de sa vie ?
L’auteur a réussi “magistralement” à mettre sur papier ce ressenti spécifique.
Il semble que ce soit un sentiment d’actualité chez les hommes d’aujourd’hui.
Vous vous demandez de quoi je parle ?
Découvrez-le vous-même dans le livre… et, peut-être au fond de vous-même, caché plus ou moins délibérément sous une tonne de certitudes apprises par cœur et assimilées sottement. Et oui, ce ressenti est une des causes de ce léger malaise qui nous pèse sur le ventre, alors que nous sommes en train de tenir notre compagne dans nos bras, contre nous, que nous ne savions pas qualifier depuis tant de temps et que nous n’osons pas nous avouer…
Liens
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Extraits
...Aujourd'hui, il me semble que je n'ai que mon passé à vivre…
(Il a trompé son amie avec une autre femme) La lâcheté est une sorte de confidence ratée, pense-t-elle, un aveu de faiblesse. Il semble que les femmes passent leur vie à confesser les hommes.
Il ferme la porte derrière lui. Descend les escaliers. Arrive enfin dans la rue. L'air frais du matin. Mais rien n'y fait, il est toujours le même. Alors il s'élance dans la ville, il marche longtemps, mais rien n'y fera. Car c'est lui-même qu'il voudrait fuir, et cela est impossible.
Il désirait trop les femmes pour vivre avec l'une d'elles en particulier.
Je crois qu'en lui revenait souvent comme une obsession l'idée qu'il fallait épuiser la vie, se nourrir comme l'eut fait un boulimique, de tout ce qu'elle contenait d'expériences, de plaisirs et d'obscures promesses.
Il remarqua qu'elle s'arrangeait pour ne marcher que sur les bandes blanches. Elle fut obligée, à un moment, de faire un plus grand pas pour ne pas faillir à son jeu, les derniers restes de l'enfance, la dépouille amusée de ce que nous ne sommes plus.
Elle s'éloigne et redevient un de ces fantômes de femmes croisés dans la rue qui, l'espace d'un instant, retirent au reste du monde toute son importance.
L'amour est un isolement que l'on vit a deux.
La tendresse est une forme inavouée de détestation de l'autre.
La vanité de la femme est de vouloir faire de l'homme un être monogame, se disait-il. Sa cruauté est d'y parvenir, parfois, quitte à faire de lui un enfant craintif.
Quand il était plus jeune, étudiant, il avait ressenti la même incapacité à savoir quelle vie il désirait. Il enviait secrètement ceux qui, par manque de talent ou par vocation, ne se posaient plus la question. Il avaient fait des études comme on se laisse emporter par un courant calme. […] La réussite professionnelle lui semblait être l'exigence la plus accessible puisqu'au fond elle ne dépend que de soi. Rien n'était comparable aux tourments que l'on pouvait ressentir auprès des femmes.
L'attendrissement prend la forme de l'amour alors qu'il n'en est que la caricature.
Amélie a des cernes, elle est faible, triste, prête à s'écrouler et il sait qu'il en est responsable. Il l'a poussée jusque dans ces zones morbides où il peut l'aimer pleinement. Il comprend qu'il la détruit petit à petit et qu'elle se laissera faire.
En géométrie, une sphère est une surface dont tous les points sont à égale distance du centre. Tristan est prisonnier d'une sphère, puisque tous les objets désirables qui l'entourent se trouvent à égale distance de son moi. Il ne parvient pas à savoir celui qu'il préfère. Cette sphère est une figure de l'immaturité moderne. Elle positionne l'être comme un enfant dans le ventre de sa mère, et à travers cet état d'incertitude permanente, c'est notre propre consentement que nous recherchons. Un bébé est probablement plus proche de DIEU que n'importe quel homme, fut-il saint. Car il est une pure potentialité: il peut encore tout devenir puisque rien n'a encore commencé. Et la modernité, me semble-t-il, est hantée par le fantasme de se maintenir dans cet état de pure possibilité. Je voudrais pouvoir tout devenir. Ne fermer aucune porte sur l'infini des possibilités. Nous en venons à tout désirer, tout et son contraire. Mais désirer tout et son contraire revient à ne rien désirer du tout et à sortir de l'existence. Nous voulons cette femme et toutes les autres. Nous voulons cette vie et toutes celles qui lui sont radicalement opposées.
Le spectacle des autres est un spectacle insupportable.
La force! Elles (les femmes) n'avaient que ce mot à la bouche. Comment ne pas sentir qu'il fallait jouer la comédie de la force pour pouvoir les posséder ? Elles avaient sans doute, quelques égards pour d'autres qualités, mais ce qui leur plaisaient le plus, ce pourquoi elles étaient prêtes à se perdre, c'est-à-dire se donner, c'était la force, uniquement la comédie de la fausse force. Il fallait donc parler avec une voix grave, d'un ton assuré, avec le regard sévère et les épaules larges, étouffer en soi l'enfant qui pleure, n'avoir plus peur de la vie, de l'avenir, de tout ce qui, généralement, les fait trembler le soir quand elles se retrouvent seules et alors le délice et l'abandon dans leurs yeux. Est-il seulement possible, auprès d'une femme, d'avouer qu'on est le plus fragile des hommes, sans immédiatement perdre toute sa considération ?
Car les lâchetés sont comme des réflexes dans les moments de rupture : elles apparaissent avec l'innocence d'un courant d'air.
Souvenez-vous de ce moment de l'année ou les femmes s'accordent avec le climat et redécouvrent des élans de nudité, ces épaules dévoilées, ces nuques, ces sourires éclatants du mois de mai.
Elle mourrait sans faire de bruit comme ceux qui n'ont pas le privilège d'être aimés.
Elle attendait. C'est toujours l'attente qui crée les évènements, jamais l'inverse.
Oui, c'est l'illusion comique des nouveaux amants : comme les enfants, ils parlent d'éternité; comme les mauvais poètes, ils croient à la puissance de ce qu'ils disent. Et comme nous, ils se noient dans la plus triste des lâchetés, la banalité.
Un jour, il faudra bien se rendre. Un jour ils se détesteront. Les débuts ne veulent rien dire. Oui, les débuts mentent.
Elle ne parvient à se sentir aimée qu'en s'imaginant regrettée.
Tant il n'est pas ordinaire, aujourd'hui, de voir les gens s'intéresser les uns aux autres sinon par voyeurisme.
Depuis quelques semaines, Nicolas était amoureux et le bonheur des autres a quelque chose d'indécent, quand bien même on le sait provisoire et fondé sur des illusions que la vie se chargera rapidement de dissiper.
Quand il était adolescent, il croyait sincèrement qu'un destin particulier l'attendait. Il se sentait supérieur aux autres. Autour de lui, les gens se soumettaient. Il avait à l'époque un visage sombre, incapable de compromis - sombre et fier. Aujourd'hui, il lui arrive d'avoir tellement peur d'être seul qu'il préfèrerait passer du temps avec quelqu'un d'insignifiant plutôt qu'avec lui-même. Les êtres supérieurs sont solitaires.
Le pire dans sont attitude, c'est cette facilité avec laquelle il se trouve des justifications et des circonstances atténuantes. On s'excuse tout aujourd'hui. A l'époque, il était en révolte contre lui-même, il menait des révolutions permanentes - et ne mesure-t-on pas la puissance d'un individu à la somme de ses désaccords avec lui-même ?
Les femmes sont le cancer de l'amitié.
…ces femmes exceptionnelles dont la simple vision vous transporte dans des rêveries indécentes…
Souvent, Nicolas ne jugeait pas utile de faire la distinction entre "être écrivain" et " espérer un jour le devenir". Il passait ainsi pour quelqu'un qu'il n'était pas et il avait raison puisque les femmes n'y étaient pas insensibles. (D'ailleurs, d'une façon générale, elles n'aimaient que les hommes ressemblant vaguement à une image simpliste et préconçue de la perfection, image disponible dans le plus petit des cerveaux. Mais au fur et à mesure de l'inévitable déclin masculin, en découvrant que l'élu s'éloigne dramatiquement de cette projection initiale, elles commencent à lui acheter une veste pour lui donner l'élégance qui lui manque ; toujours sous couvert de générosité, elles lui offrent le parfum qu'elles ont senti la veille sur une silhouette plus virile, elles l'encourage ensuite à faire du sport pour qu'il s'approche de cette silhouette qu'elles voudraient étreindre, et le travestissement continu jusqu'au jour où elles décident que ce serait follement chic de sortir avec un "artiste" et c'est ainsi que notre petit homme, martyrisé, en plus de la veste et du parfum, se met au travail, l'âme en peine. Nicolas est donc devenu un écrivain, peut-être même un des plus prometteurs de sa génération, à cette nuance près qu'il n'avait jamais rien écrit. D'ailleurs pourquoi rêvait-il d'écrire ? La reconnaissance ? Pour la rendre faussement amoureuse ? On voit partout des êtres en souffrance capables de tout pour ces pauvres pansements. Chaque matin ils refont la même prière, suppliant celui qu'ils voudraient être de bien vouloir advenir, ils parlent fort mais secrètement, ils se détestent. Je vais, dès ce soir, sauver mon ami du ridicule d'une histoire d'amour et par la même occasion sauver une femme du ridicule de mon meilleur ami.
Tu me reproches de détruire, de détruire tout ce qui se construit sans moi.
Je connais une vieille folle qui, sachant que sa maison s'écroulera d'un instant à l'autre, attend depuis des années dans le froid que la chose advienne, pestant qu'elle ne soit pas encore advenue. Je suis cette vieille folle, Nicolas. J'attends l'écroulement, je l'appelle à moi pour qu'il vienne me délivrer de l'attente. Et le plus tôt sera le mieux. Peut-être un jour connaîtras-tu aussi ce plaisir intense que l'on peur ressentir à tout sacrifier, à prendre pour cible toute possibilité de salut, et à l'abattre, lui faire la peau, et recommencer jusqu'à n'en plus pouvoir, pan! Et retourner le cadavre d'un coup de botte. Ou à l'inverse la sauver : se pencher sur un être, le dévier de ses anciens désirs pour lui en imposer de nouveaux, plus nocifs, afin qu'il en crève.
N'est ce pas dans ses tourments intérieurs que l'homme trouve sa dignité ?
Il aime étrangement Paris, cette énergie particulière qui laisse espérer, chaque jour, que quelque chose de nouveau va peut-être advenir. Une délivrance ? Il sent qu'il a besoin de cette agitation autour de lui, comme d'autres, pour s'étourdir, ont besoin de l'alcool.
Ils passent devant le casino dont la façade est hypocritement blanche.
Tristan vivait dans le fantasme de se maintenir dans un monde où tout resterait éternellement possible. Il se sera débattu jusqu'à la fin. Et qu'est-ce que le vertige du rétrécissement, sinon l'odieux constat que les différentes possibilités s'épuisent une à une, que la vie se spécialise et se cantonne à des enjeux de plus en plus restreints ? Nous vivons dans le monde de la spécialité. Nous avons notre quartier, nos amis, notre appartement, notre passé, notre femme, et tout ceci est ridiculement minuscule.
On ferme à peine les yeux, et l'on constate, étonné, qu'on a déjà une histoire, des regrets, et des blessures aussi.
…avoir l'impression d'être passé à coté de soi.
Elle est entrée dans ma vie comme un voleur.
Car bien entendu, comme ceux qui ne savent pas vivre, il lui arrive d'être tenté par les démons de l'écriture. On dit souvent qu'il faut plus de courage pour partir que pour revenir. C'est oublier que le retour est aussi un voyage et qu'il demande autant de courage que l'aller, du moins l'implique-t-il.
…ces matins cruels où l'on se rend compte qu'une fois encore le jour s'est levé, et qu'il va falloir tenter de vivre.
…tu étais de ceux qui ne savent pas souffrir, étant de ceux qui ne savent pas aimer.
Tu imagines. Ses cheveux mal coiffés sur ses épaules, cette sauvagerie du matin qui est pour toi l'image de la beauté. Tu souffres avec elle, dis-tu ? Il faut avoir un peu de cœur pour souffrir. La vérité, c'est que quand tu penses à elle, ce n'est pas à elle, mais à toi que tu penses. Ce n'est pas de l'avoir perdue que tu pleures, mais d'amour pour ton beau visage blessé. Le sien, d'ailleurs, tu ne le vois même pas.