L'île
Robert MERLE
Prix de la fraternité 1962
Mon avis
J'ai adoré !!!
Mais alors pourquoi j'ai adoré à ce point? J'en sais fichtrement rien.
Peut-être parce que ça représente un peu une suite au BOUNTY, célèbre film, mais quand-même, je ne suis pas le genre à aimer une histoire pour une raison aussi saugrenue.
Alors pourquoi ?
J'étais très impatient de retourner dans l'histoire à chaque moment de la journée et rien que cette raison est suffisante.
Conception d'une société par un petit groupe d'hommes et de femmes échoués sur une île.
Je me sentais bien dans ce livre. Je crois que l'auteur est au plus juste avec le sujet qu'il aborde. J'aime les livres qui mettent en avant les relations humaines et celui-ci est focalisé dessus. Toute l'histoire des problèmes relationnels, sociaux et politiques de l'humanité et du mal qu'ils engendrent lorsque les lois sont, à l'inverse, trop bien appliquées.
Liens
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Extraits
Il regardait ses amis, il se sentait profondément heureux. Quelle tendresse dans leurs regards! Quel repos dans leurs âmes! 11 pensa, c'est un moment dont je me souviendrai, et d'avoir pensé cela, à l'instant même, une pointe de regret poignant le traversa, comme si le moment qu'il vivait était déjà fini.
— Adamo! dit Mehani avec inquiétude, qu'est-ce que tu as? Tes yeux sont tristes.
Une idée qui est venue, Mehani.
Peritanil Peritani! s'écria Otou en secouant un long doigt devant son nez comme s'il savait depuis longtemps qu'un Peritani était incorrigible. Mange! Mange! Il ne faut pas trop penser avec ta tête!
Purcell sourit et baissa les yeux sur son poisson. Otou avait raison. Pour être vraiment heureux, il fallait être conscient de son bonheur, mais pas trop. Il y avait un point d'équilibre à trouver. Il fallait ruser. Savoir qu'on était heureux, mais pas au point de se le dire.
Un mince filet de sang s'en échappait.
Purcell resta à le regarder, béant, pendant quelques secondes. Puis il comprit. La crosse avait heurté la pierre qu'il tenait devant son visage, le contre¬-coup avait déclenché la détente, et Timi s'était tué avec son propre fusil. ±
Purcell retourna en titubant au lit de feuilles et s'assit. Au-dessous du trou sanglant qui défonçait le haut de son front, les yeux de Timi paraissaient vivre. Les cils noirs et fournis recouvraient à demi ses prunelles, et celles-ci luisaient dans le coin des paupières, comme si Timi dévisageait Purcell de côté avec insistance. Sa tête et son cou gracile étaient légèrement tournés du côté opposé, ce qui donnait à son regard une coquetterie sournoise. Il n'y avait plus trace de dureté sur son visage et ses lèvres ourlées s'écartaient l'une de l'autre comme si elles esquissaient un sourire enfantin. Purcell remarqua pour la première fois la forme de ses yeux. Ils étaient très beaux. Ils remontaient vers les tempes comme des yeux d'antilope, mais c'étaient les cils, les magnifiques cils noirs, longs et recourbés, qui donnaient au regard ce velouté, cette câlinerie. Comment ces yeux-là avaient fait pour avoir l'air si durs, c'était inexplicable. La vie s'était retirée de Timi et ne lui laissait plus que la douceur qui était en lui et qu'il avait étouffée de son vivant.
Purcell détourna la tête, se leva et un flot de tonte l'envahit. La sauvagerie avec laquelle il s'était jeté sur ce corps! Le cri qu'il avait poussé! Et c'était un cadavre qu'il poignardait! Il lui parut incroyable =qu'il n'eût pas compris plus vite que Timi était mort. Mais il avait tellement raidi sa volonté, avant l'irruption de Timi, qu'il était passé à l'acte par vitesse acquise, en aveugle, comme une machine. C'était affreux et dérisoire, il se sentait presque plus coupable que s'il avait vraiment tué. « C'est ça le meurtre », pensa-t-il, avec une terrible angoisse, Cette mécanique, cet enchaînement. Il s'était fortifié toute sa vie dans le respect de la vie. Et le moment venu, il s'était abattu sur son ennemi en hurlant comme une bête! Il avait enfoncé le couteau des deux mains, ivre de sa victoire, haletant, inondé de plaisir!