Moi et Toi
Yann Queffélec

Mon avis



Pas le meilleur de ce style mais néanmoins très intéressant et même drôle

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Extraits

A croquer le rire de Julia. Il se sentait fort quand elle riait, préféré de tous les autres. Et tant qu'elle riait à ses blagues il serait le roi dans son lit.


Elle n'a peur de rien sauf de moi, pensa-t-il, et moi de tout sauf d'elle.


Il n'arrivait pas à se dépêtrer du regard de Julia, de cette petite voix collante et mélancolique en train de s'enrouler autour de lui.
Il prit sa main et ce fut comme s'il tenait un oiseau mort encore chaud.
- C'est malsain, dit il, ca va mal tourner.
Elle plongea ses yeux dans les siens, ses yeux qui voyaient tout, qui savaient exactement où fouiller pour sortir au grand jour ce qu'il planquait dans l'ombre. Elle sondait son regard et selon ce qu'elle y trouverait, elle aurait envie de l'embrasser ou de lui faire la peau. Et lui c'est un baiser qu'il désirait comme un fou, comme un con. D'un seul baiser ils auraient pu tout effacer, même ce qui n'existait pas. Il était encore temps.


Ce n'était pas un conte de fées, c'était la réalité d'un monde adulte où les perroquets ne s'adressaient pas aux lapins sous prétexte qu'ils savaient parler.


- Elle était comment ta mère ?
- Ma quoi ?
Il eut la bouche de Julia contre l'oreille, il respira une odeur chaude avant d'entendre ces mots onctueux :
- La douceur même, je parie... douce et molle, c'est ca, comme ta vieille queue.
Poussant un hurlement, il bondit hors de la couchette, les mains plaquées sur l'oreille qu'elle avait mordue. Il tomba par terre en imaginant des crocs et du sang. Et pendant ce temps là, il éjaculait, nom de dieu ! Il en mettait partout ! Dans les soubresauts d'une jouissance avortée il répandait son foutre pour rien, pour personne.


Ce besoin d'emberlificoter les phrases au premier nibar qui pointait ! De reluquer à bientôt cinquante balais ! D'imaginer qu'une liaison s'amorçait, qu'il s'était trompé d'avenir avec sa femme et qu'enfin les cuisses du grand amour s'ouvraient.


Entre la femme le jour et la femme la nuit - c'est le jour et la nuit. Elles couchent bien, se lèvent mal. Dés qu'on l'a compris, on est moins seul, moins âpre à vouloir les garder chez soi.


L'échangisme non, le changement oui.


Chez leurs amis, le bonheur était souvent lisse et doux. Ni séparation ni dispute excessive, mais l'impression d'une complicité monotone, un peu écœurante, pouvant générer à l'usure des mélancolies suicidaire. On était marié, sans plaisir ni désastre, solidaires contractuellement dans la tendresse et l'exécration. Et ces conjoints, casés, assagis, dépassionnés, adoraient dans l'adultère une flamme confisquée par la vie, la vie à deux, jour après jour et dans toutes les situations, malgré ce combat vital pour sauver du naufrage non pas le sentiment amoureux - cette langue de feu follet - mais le couple lui même avec sa tentation d'en rester là.